La crise
grecque complique l'entrée en scène de François Hollande
Par Arnaud Leparmentier, Philippe Ricard (à Bruxelles) et Thomas Wieder (http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/05/)
François Hollande espérait peser face à Angela Merkel pour imposer son projet de"renégociation" du
pacte budgétaire et le "compléter par un volet croissance".
Mais voilà le président élu rattrapé à son tour par l'impossible sauvetage de
la Grèce.
Jeudi 10 mai, il devait discuter de la crise politique dans laquelle est plongée
ce pays avec le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Mercredi, il s'est entretenu avec Herman Van
Rompuy, président du Conseil européen. L'un comme l'autre voulaient surtout lui parler de la façon de déminer l'affrontement annoncé
avec la chancelière allemande. Pour eux, il faut renoncer à la renégociation du pacte budgétaire pour
se concentrer sur l'initiative de croissance qu'appelle de
ses vœux le successeur de Nicolas Sarkozy.
Peine perdue. Ils sont de nouveau contraints d'aborder l'urgence du moment : la recherche
désespérée, à Athènes, d'une majorité susceptible de mettre en œuvre le plan d'austérité négocié avec les
bailleurs de fonds. Les marchés parient en effet sur ce nouveau rebondissement
pour anticiper une expulsion de la Grèce de la zone
euro.
FÉBRILITÉ DES MARCHÉS
En cas de blocage persistant, la question risque d'occulter les discussions sur la croissance que M.
Hollande et ses homologues sont censés avoir dès leur première rencontre, le 23 mai, lors
d'un dîner informel à Bruxelles. Et de ternirl'entrée en scène européenne du nouvel élu.
Le regain de tension sur les marchés, consécutif
aux élections législatives organisées dimanche 6 mai en Grèce, a précipité la
prise de contact entre M. Hollande et ses interlocuteurs européens. Le rendez-vous avec M. Van Rompuy a été fixé lundi au téléphone.
Le président élu et le dirigeant européen avaient
déjeuné ensemble, à Bruxelles, en mai 2011. C'était à une "époque
innocente", dit on dans l'entourage de M. Van Rompuy, c'est-à-dire
avant la chute de Dominique Strauss-Kahn et la campagne présidentielle. Aucun contact
n'avait eu lieu depuis, sinon par le biais de leurs entourages, ces dernières
semaines.
Pour M. Van Rompuy tout comme pour M. Juncker, la
fébrilité des marchés nécessite d'accélérer la manœuvre, sans attendre l'entrée en fonctions de M. Hollande, le 15
mai. Désireux de vite préciser les intentions, et les marges de manœuvre des
uns et des autres, ils envisagent d'adjoindre au pacte budgétaire une déclaration, voire un
protocole, qui seraient susceptibles de convaincre M. Hollande de le faire ratifier par son Parlement.
Mais ils veulent surtout donner du corps à l'agenda de croissance que Mme Merkel
consent à examiner, pour mieux rejeter la renégociation du pacte budgétaire.
ASSURER LA
TRANSITION
Au passage, M. Van Rompuy et M.
Juncker pourront se targuer d'avoir établi le contact avant même la visite à Berlin de
M. Hollande, alors que M. Barroso attend toujours un rendez-vous. C'est une sorte de revanche pour M. Van Rompuy que
M. Sarkozy avait mis en selle fin 2009. Mais aussi, sur un autre plan, pour M.
Juncker, dont les rapports avec le président sortant étaient notoirement
exécrables.
Dans l'équipe de M. Hollande, on refuse
d'interpréter l'antériorité des rendez-vous avec MM. Van Rompuy et Juncker
comme un mauvais geste à l'égard de MmeMerkel, première gouvernante
européenne que doit rencontrer le nouveau président français et avec
laquelle il s'entretiendra le 16 mai à Berlin.
Mais le sens de ces deux premiers
rendez-vous n'a échappé à personne."François Hollande a
toujours dit son souhait de voir les institutions européennesjouer tout leur rôle, pas seulement
l'intergouvernemental", a commenté Pierre Moscovici,
mercredi, lors d'une conférence de presse organisée au QG du président élu
après la visite de M. Van Rompuy.
"C'est une
option politique très marquée de sa part. Il n'est pas dans la volonté d'un
directoire, tout en sachant évidemment que l'accord entre la France et l'Allemagne est une condition tout à
fait essentielle pour que l'Europe avance", a précisé M. Moscovici, chargé par M. Hollande d'assurer la transition avec l'équipe de M. Sarkozy.
Sur le fond, le retour de la crise
grecque prend de court M. Hollande et ses partenaires moins de six mois après
qu'elle s'était invitée au G20 de Cannes (Alpes-Maritimes), que M. Sarkozy
avait voulu mettre en scène pour faire valoirson entregent international.
Pour l'instant, le président élu "se
tient informé de façon extrêmement précise", insiste M. Moscovici.
Officiellement, rien ne filtre sur ses intentions. Le bénéfice politique est
double : Il lui permet d'abord de montrer qu'il respecte à la lettre le calendrier
institutionnel. "Il n'y a qu'un seul président en exercice et M.
Hollande, pendant cette semaine de transition, n'a pas l'intention de jouer au président-bis", explique M. Moscovici.
"CRISE
POLITIQUE"
Mais ce silence présente un autre
avantage : "Compte tenu de la précipitation des événements, de la
difficulté qu'il y a à savoir comment va évoluer la situation politique en
Grèce, nous n'avons rien à gagner à faire des déclarations toutes les heures, et au contraire
tout avantage à tirer profit de ces quelques jours pourprendre des contacts et sentir l'état d'esprit de nos partenaires, avant de passer à l'action", explique un lieutenant de M.
Hollande.
A l'Elysée, où s'est rendu M.
VanRompuy pour une visite d'au-revoir à M. Sarkozy, on indique qu'"il
n'y a pas de cogestion". "Nous informons François
Hollande, mais il considère, comme nous-mêmes, que c'est le président Sarkozy
qui est en charge." Pas de nécessité, donc, d'une action
politique concertée. "S'il y avait un gros pépin, ce serait traité
en consultation avec François Hollande, mais ce n'est pas le cas pour
l'instant", insiste un conseiller de M. Sarkozy.
Dans l'entourage du président élu, on
estime que "ce qui se passe en Grèce ne simplifie pas la tâche,
car à la crise économique et sociale s'ajoute maintenant une crise politique
dont nul ne peut prévoir les conséquences". Pour ce responsable,
cependant, "la situation grecque peut créer une pression supplémentaire
sur nos partenaires pour qu'ils prennent au sérieux les propositions de M.
Hollande en matière de croissance". L'équipe du président élu veut y voir la preuve que des mesures "austéritaires" conduisent
à l'instabilité politique des pays membres.
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