Pour une nouvelle politique sur les drogues en Amérique Latine
Par Ivonaldo Leite
En général, en Amérique Latine, les problèmes
associés à la production, au trafic et à la consommation de drogues affectent
la qualité de vie de la population et sont liés à des formes d’exclusion
sociale et de faiblesse institutionnelle, générant davantage d’insécurité et de
violence. L’Amérique Latine concentre la totalité de production globale de feuille
de coca, de pâte base de cocaïne et de chlorhydrate de cocaïne. En outre, elle
possède une production de marihuana qui s’étend sur divers pays et zones,
destinée tant à la consommation interne qu’à l’exportation. Et, de plus en
plus, elle produit du pavot et élabore opium et héroïne.
Selon une étude de la
CEPAL*, la zone des Caraïbes continue d’être la voie la plus fréquentée pour le
trafic de drogues vers les Etats Unis, mais la route du Pacifique, passant par
l’Amérique Centrale, a gagné une importance relative. Dernièrement le transport
fluvial a pris de l’importance, depuis les pays producteurs de cocaïne à
travers le Brésil. La marihuana, suivie de la pâte base de cocaïne, du crack et
du chlorhydrate de cocaïne sont les drogues illicites à plus forte consommation
dans la région.
La production de drogues
illicites en Amérique Latine a été caractérisée par l’expansion ou le
déplacement continu des zones agricoles qui leur étaient destinées. De grandes
populations de paysans et d’indigènes se sont incorporées aux cultures
illicites du narcotrafic, et cette situation se maintient du fait que le
rentabilité des cultures autorisées continue d’être négative, tandis que la
production de marihuana, de coca et de pavot permet de plus forts revenus
économiques. En Bolivie par exemple, au début des années 2000, on estimait,
selon la CEPAL, que l’activité liée à l’économie de la coca générait environ
135 000 emplois, ce qui équivalait à 6,4% de l’emploi du pays.
Dans les pays comme la
Colombie, le Pérou, la Bolivie et d’autres en moindre mesure, la population
indigène et paysanne est utilisée par les narcotrafiquants pour la culture de
coca, de marihuana et de pavot, compte tenu de leurs besoins économiques et des
problèmes de place de leurs produits sur le marché; dans la forêt haute et
moyenne du Pérou, l’état d’abandon et de pauvreté existants, les conditions
écologiques et climatiques, l’articulation limitée avec les marchés, la faible
rentabilité de la production, la carence d’alternatives économiques et la
présence des mafias internationales dédiées au trafic illicite des drogues, ont
favorisé une production de coca excédentaire. Ces facteurs prédisposent le producteur
agricole à orienter son activité économique vers la culture de coca comme
unique option qui lui permette de se procurer les ressources indispensables
pour garantir sa survie familiale et collective.
Au niveau local du
microtrafic apparait une participation croissante des femmes aux faibles
revenus et des mineures, ce qui génère des problèmes judiciaires et pénaux sans
précédents. Dans les zones de basse présence ou contrôle de l’Etat, le
microtrafic se constitue facilement en stratégie de survie adoptée par les
femmes chefs de foyers et même par des personnes du troisième âge aux faibles
ressources. De nombreuses personnes aux faibles revenus finissent par
abandonner leurs occupations premières du moment que le trafic de drogues leur
procure des revenus substantiellement meilleurs. Dans de nombreuses enclaves
urbaines d’Amérique Latine, le trafic de drogues génère ou renforce une culture
de l’illégalité qui ronge les normes minimales de sociabilité. De cette
manière, la violence générée en facteurs politiques et économiques a été
renforcée par des violences générées en activités criminelles, spécifiquement
par le narcotrafic. C’est une réalité
présente, par exemple, dans des villes brésiliennes comme Rio de Janeiro.
La politique de guerre des drogues a échoué. Malgré
l’augmentation des confiscations de drogues, malgré la détention de
narcotrafiquants et la destruction de grands réseaux, les problèmes associés à
la consommation de drogues n’ont pas diminué, et la disponibilité de drogues
illicites sur les marchés ne s’est pas réduite. Cette politique accumule
une série de contre-effets. Par exemple, parmi ceux-ci, on compte un nombre
élevé de victimes en termes de mortalité et de morbidité, sans réduction de la
consommation de drogues. Il existe aussi une quantité de « basses
politiques » et de politiques pénales parmi la classe politique, les
autorités civiles, judiciaires et policières, par effet de corruption. Dans certains contextes existent de sérieux
désordres dans les relations politiques internationales, et parfois nationales,
comme au Mexique. La répression supposée des drogues a aussi servi de prétexte
pour imposer des positions politiques et idéologiques en Amérique Latine.
L’échec de la politique de guerre aux drogues a
provoqué le développement d’optiques alternatives. L’utilisation de stratégies
de réduction du dommage pour contrôler la demande de drogues dans d’importantes
villes d’Europe a accompagné le processus croissant de municipalisation de la
question. Dans cette perspective, l’éducation est appelée à jouer un rôle
central dans les actions de prévention, en alliant par exemple des actions
socioéducatives à la promotion de la santé.
Ceci, en accord avec la définition classique de
promotion de la santé, est important (à travers l’éducation), car il est
important d’offrir des orientations et des dynamiques aux personnes qui font
usage de cette problématique de drogues afin qu’elles-mêmes agissent aussi pour
l’amélioration de leur qualité de vie et de santé. Dans ce sens, il s’agit
d’une formation qui doit englober les communautés au moyen de stratégies
d’éducation populaire et de formation d’éducateurs sociaux.
Il s’agit donc de construire un nouveau paradigme
de politiques sur les drogues, lequel s’appuie, entre autres, sur trois
prémisses:
le rejet du type de médecine qui nie le droit de
l’individu à disposer de lui-même et de son corps ;
la dénonciation d’intérêts politiques et
idéologiques derrière des actions comme la « guerre contre les
drogues »;
l’accueil humanitaire des personnes qui font usage
problématique des drogues.
Ce sont quelques
perspectives pour une nouvelle politique sur les drogues en Amérique Latine qui
soit induite par l’éducation et la promotion de la santé.