Intelectual brasileiro radicado em França há décadas, Michael Löwy tem se destacado não só por suas investigações em teoria social, mas também no contexto da cultura, sendo um exemplo disso as suas incursões sobre o terreno do surrealismo e do romantismo. O texto a seguir é revelador desta sua perspectiva. 
Ce numéro de la revue Europen’est pas dédié à un auteur ou un pays, 
mais à une forme de la culture universelle : le romantisme, et plus précisément, le romantisme révolutionnaire. Si le romantisme est généralement présenté dans les 
dictionnaires et encyclopédies comme un mouvement littéraire et artistique du 
début du XIXe siècle, nous pensons au contraire qu’il s’agit d’un phénomène 
beaucoup plus étendu et profond, qu’il existe un romantisme politique et des manifestations 
romantiques dans le domaine de la philosophie, de la religion, du droit et de 
l’historiographie. Et nous sommes convaincus que l’histoire du romantisme n’est pas terminée en 1830 ou 1848, mais 
continue jusqu’à nos jours. 
Le romantisme 
doit être conçu comme une vision du monde qui traverse tous les domaines de la 
culture, et dont la caractéristique quintessencielle est la protestation 
culturelle contre la civilisation capitaliste moderne au nom de certaines 
valeurs du passé. Ce que le romantisme refuse 
dans la société industrielle / bourgeoise moderne, c’est avant tout le 
désenchantement du monde - une expression célèbre de Schiller, et par la suite, 
du sociologue Max Weber -, c’est le déclin ou la disparition de la religion, de 
la magie, de la poésie, du mythe, c’est l’avènement d’un monde entièrement 
prosaïque, utilitariste, marchand. Le romantisme proteste contre la mécanisation, la 
rationalisation abstraite, la réification, la dissolution des liens 
communautaires et la quantification des rapports sociaux. Cette critique se fait 
au nom de valeurs sociales, morales ou culturelles pré-modernes - présentées 
comme traditionnelles, historiques, concrètes - et constitue, à de multiples 
égards, une tentative désespérée de réenchantement du monde. Si le romantisme s’affirme comme une forme de sensibilité 
profondément empreinte de nostalgie, ce n’est pas pour autant qu’il refuse de 
penser ce qui fait le propre de la modernité : d’une certaine façon on peut même 
le considérer comme une forme d’ autocritique culturelle de la modernité. En 
tant que vision du monde, le romantisme est né 
au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle - on peut considérer 
Jean-Jacques Rousseau comme son premier grand penseur - et il continue, jusqu’à 
nos jours, à être une des principales structures de sensibilité de la culture 
moderne. [1] 
En opposant aux 
valeurs purement quantitatives de la Zivilisation industrielle les valeurs 
qualitatives de la Kultur spirituelle et morale, ou à la Gesellschaft (société) 
individualiste et artificielle la Gemeinschaft (communauté) organique et 
naturelle, la sociologie allemande de la fin du XIXe siècle formulait de façon 
systématique cette nostalgie romantique du passé. 
Bien évidemment, la 
nébuleuse culturelle romantique est loin d’être homogène : on y trouve une 
pluralité de courants, depuis le romantisme 
conservateur ou réactionnaire qui aspire à la restauration des privilèges et 
hiérarchies de l’Ancien Régime, jusqu’au romantisme révolutionnaire, qui intègre les conquêtes de 1789 
(liberté, démocratie, égalité) et pour lequel le but n’est pas un retour en 
arrière mais un détour par le passé communautaire vers l’avenir utopique. 
Si 
Rousseau est un des premiers représentants de cette sensibilité romantique révolutionnaire, on va la trouver également chez 
Schiller, dans les premiers écrits républicains des romantiques allemands 
(Schlegel), dans les poèmes de Hölderlin, Shelley et William Blake, dans les 
œuvres de jeunesse de Coleridge, dans les romans de Victor Hugo, dans 
l’historiographie de Michelet, dans le socialisme utopique de Fourier. Le romantisme révolutionnaire n’est pas absent - comme dimension 
partielle - des écrits de Marx et Engels, et on le retrouve dans les écrits 
d’autres marxistes ou socialistes comme William Morris, Gustav Landauer, Ernst 
Bloch, Henri Lefebvre, Walter Benjamin. Enfin, il marque de son empreinte 
quelques-uns des principaux mouvements de révolte culturelle du XXe siècle, 
comme l’expressionnisme, le surréalisme et le situationnisme. 
Or, la 
position affirmative de ces penseurs et de ces mouvements peut se résumer 
ainsi : il n’y a pas de dépassement de la « monotisation du monde » (Stefan 
Zweig) sans une nouvelle culture, et il n’y a pas de nouvelle culture sans le 
réveil d’un authentique sens commun, sans l’élévation et la réintégration de 
l’imagination poétique au sein des activités et des orientations humaines. [2] 
Le socialisme, 
décidément oui !, mais un socialisme capable de répondre à l’inquiétude de 
Rousseau dans sa Lettre à d’Alembert : « Où sont les jeux et les fêtes de ma 
jeunesse ? Où est la concorde des citoyens ? Où est la fraternité publique ? Où 
est la pure joie et la véritable allégresse ? Où sont la paix, la liberté, 
l’équité, l’innocence ? » Un socialisme, donc, qui serait en mesure de supprimer 
de fond en comble une civilisation qui vise « le bien-être exagéré et le luxe 
pour un certain nombre, plutôt que la libération pour tous » (Bergson). 
Ainsi, le romantisme révolutionnaire s’affirme comme un socialisme de la 
poésie et de la rédemption opposé à celui de la machine et du progrès, un 
socialisme tel que Schiller a pu l’esquisser en s’appuyant sur la troisième 
Critique de Kant. Un socialisme poétique, donc, qui viserait le libre 
épanouissement des sens dans une collectivité régénérée - « l’heureuse union de 
la culture supérieure avec la nature libre » (Kant). Osons-nous encore rêver au 
socialisme de l’éducation esthétique, pouvons-nous toujours nous représenter la 
baguette magique au contact de laquelle, selon Schiller, « les chaînes du 
servage tombent des choses inanimées comme des êtres vivants » ? 
Le 
souverain combat romantique pour la « nouvelle mythologie » (Schlegel), la 
« nouvelle religion » (Michelet), le « mythe dans lequel le socialisme s’enferme 
tout entier » (Sorel), la « religion de l’action, de la vie et de l’amour, qui 
rend les gens heureux, qui les délivre, et qui surmonte d’impossibles 
situations » (Landauer), « l’unique esprit de la création, de l’éros, et de la 
jeunesse » (Benjamin), le « mythe en rapport avec la société que nous jugeons 
désirable » (Breton) représente le véritable défi que nous voulons lancer aux 
doutes, aux fatigues, et aux nihilismes contemporains.
Michael LÖWY & Max BLECHMAN
P.-S. Article paru dans Europenuméro consacré au romantisme révolutionnaire, avril 2004.
Notes
[1] Cf. Michael Löwy et Robert Sayre, Révolte et 
Mélancolie. Le romantisme à contre-courant de 
la modernité, Payot, Paris, 1992.
[2] Cf. Max Blechman, « Reflections on revolutionary 
romanticism », in Revolutionary romanticism, ed. Max Blechman, City 
Lights, San Francisco, 1999.
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http://www.preavis.org/breche-numerique/article136.html
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